Ça y est, après une courte année de pause, je suis de retour à l’école Lavoisier pour présider le bureau 112.
Comme il se doit pour l’élection phare de la vie politique française, les électeurs sont aussi de retour en masse au bureau, et on ne chôme pas pour enregistrer près de 750 votes pendant les 11 heures d’ouverture de la journée. Cependant, avec du recul, ce n’est pas si extraordinaire que cela, cela représente quand même 40% d’abstention , et surtout c’est moins qu’en 2017 sur ce bureau (comme on se le rappelait ici), ce qui est un poil décevant à la fin de la journée.

D’autant que, 2ème enseignement de la journée, il y a un réel effort de mobilisation, et l’on voit venir de nombreux électeurs qui votent pour la première fois. Ce n’est certes pas surprenant, je l’ai déjà noté ici et là – et c’est tant mieux d’ailleurs, les électeurs qui sont “à vie” votant ou abstentionnistes sont une minorité, la plupart oscillent entre les 2 selon les élections, les candidats, leur vie du moment.
Mais cette fois-ci, c’était non seulement l’acte de vote à l’intérieur du bureau qu’il a fallu expliquer à certains, mais la notion même de bureau de vote, d’inscription préalable sur les listes, à des électeurs qui pensaient qu’un bureau de vote était une sorte de drive auquel on pouvait aller à volonté pour voter. On peut y voir sans peine les effets d’une surmobilisation d’électeurs abstentionnistes très éloignés du vote, et dont certains découvraient tout du vote.
Dans le bureau 112, la plupart de ces “nouveaux” électeurs étaient jeunes, mais il est toujours perturbant de voir un quadragénaire ou quinquagénaire arriver au bureau de vote et découvrir ce qui s’y passe. Perturbant, mais aussi assez satisfaisant pour le président du bureau et ses assesseurs, qui se disent que c’est peut-être la première de nombreuses fois, et qu’on a ainsi raccroché un électeur à la vie démocratique du pays.

Autre phénomène très présent pour ce premier tour, qui traduit un autre aspect de l’abstention : les électeurs bel et bien inscrits, qui connaissaient tout à fait les procédures, mais qui ne se souvenaient plus dans quels bureaux ils étaient inscrits, et qui passaient nous voir pour le savoir. Réelle amélioration pour leur répondre : le site “Interroger votre situation électorale” du ministère de l’intérieur qui permet de tout simplement de savoir si l’on est inscrit et si oui dans quel bureau l’on vote, et que j’ai utilisé de nombreuses fois ce dimanche.
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/services-en-ligne-et-formulaires/ISE
Derrière, on devine un intérêt diffus pour la politique, une participation très intermittente aux élections, une sorte de “vote à la carte”, et après tout pourquoi pas, on n’est pas obligé d’être passionné et d’avoir une opinion sur les européennes ou les départementales; et le vote n’est pas obligatoire en France.
Cela dit, cet aspect administratif et technocratique de l’inscription préalable sur les listes électorales ( mais aussi de signaler le déménagement ) devient de plus en plus difficilement justifiable, sans parler de la radiation qui étonne toujours quand on l’explique à quelqu’un; et ce à l’heure où l’on dispose d’identifiant France Connect, où les impôts sont prélevés à la source sur le bulletin de salaire, on se demande vraiment si tout cela n’est pas inutilement compliqué et n’éloigne pas du vote un pan entier de nos concitoyens. La tribune de Céline Braconnier et Jean-Yves Dormagen, “L’inscription sur les listes électorales est une procédure d’un autre temps”, parue dans Le Monde le 1er mars 2022, résonne spécialement juste à mes oreilles…
Les aficionados retrouveront d’autres Chroniques du Bureau 112 pour les régionales 2015, le 2ème tour de la Présidentielle 2017, le 1er et le 2ème tour des Législatives 2017,