Archives par étiquette : alma

Benjamin Duquenne… NATUREllement peintre urbain !

IMG_20140406_201234ter

TRANSPARENCE, LUMIÈRE, MOUVEMENT, DIRECTION
« Mes œuvres naissent d’un travail de la lettre et s’intègrent dans le paysage. Je prends mon inspiration des éléments qui composent la nature, universelle soit-elle, et des différents règnes qui l’animent. Mon travail s’apparente à un réseau filaire énergétique, à une créature imaginaire telle une calligraphie vivante lumineuse et porteuse de messages. »

DSC_0192 bis

Un jour, je vous avais conseillé d’arpenter les rues de Roubaix afin de prendre un bol d’art frais. Je vous avais dit que #RBX était pleine de surprises. Aujourd’hui, je vous le confirme, cette ville est décidément surprenante. Et en ce moment, c’est dans le quartier de l’Alma que cela se passe. Ce week-end encore, j’y ai vécu une expérience incroyable, une expérience au 160 rue de France

Il était une fois un message sur FB
La semaine dernière, je reçois un message privé d’un artiste. Il me propose d’aller le voir, lui et ses potes, bosser sur un projet en commun. Il avait remarqué mon intérêt pour son travail, suite à un billet sur le #StreetArt. En effet, ses graffiti avaient tout de suite attiré mon attention. J’aime l’énergie qui se dégage de ses dessins. Imaginez donc ma fierté et mon excitation ! Moi, un simple blogger inconnu, contacté par benjAMIN, mon artiste préféré ? J’achète ! J’avais prévu d’aller déguster une gaufre chez Meert mais c’est une occasion en or et elle ne se présentera pas tous les jours. Il serait impoli de la refuser, non ? Désolé Monsieur #GrandPlaceRbx, cela sera pour une prochaine fois !

Samedi 05 avril, je suis sur place. On fait connaissance, on tchatche. Cool, le courant passe! Tout à l’image de ses oeuvres, il est décidé, cohérent et SYMPA. Il me parle de ses projets, de sa conception de l’art, de ses inspirations. Et effet, tout cela me parait bien décidé, cohérent et SYMPA.

C’est lui le chef de chantier du jour avec les autres, il mène la danse. Il donne des instructions. Ils commencent tranquillement à s’installer. Comme cela risque d’être long ! Je les observe encore un peu et reprends notre discussion. J’ai envie d’en apprendre davantage sur lui et sa passion. Et c’est passionnant !

Quand l’art flirte avec l’enseignement
Son papa de cœur est musicien, sa maman enseigne et la pomme ne tombe pas loin de son arbre… Il a grandi en côtoyant ces univers différents et il a su en garder le meilleur de chacun. De cette différence, il en a fait une complémentarité qui lui a permis d’avoir une approche plus pragmatique de l’art; son papa de cœur lui a transmis l’art de créer, sa maman lui a légué l’art de transmettre. C’est certainement de là que lui vient ce désir d’apprivoiser, de cadrer son travail et de le démocratiser auprès des enfants  » J’aime encourager les jeunes, les dynamiser.  » dit-il.

Son art doit être visible par tous et non par une élite. Il est éphémère et non gravé dans le marbre car il évolue avec son temps en se nourrissant des courants du moment. Il est généreux, il est solidaire, il est participatif et non individuel. Il doit redonner vie à un bâtiment, une friche, une rue voire une ville et non le mur d’un musée. Et la peinture en pleine rue semble répondre parfaitement à ses exigences. Il s’intéresse au graffiti en 1992 et maintenant, c’est son travail à plein temps.

Tous pour un et un pour tous…
Il collabore avec des collectifs ou divers artistes indépendants qui ont eux aussi la même conception de l’art. Ils travaillent sur des projets titanesques, des fresques grandioses souvent en partenariat avec la SEM et l’association  » Astuces  » sur le quartier de l’Union – Lille métropole.

2014-04-08 18.59.26

Ensemble, la peinture de rue devient un moment de festivité et de convivialité. La bonne humeur est de mise et elle se reflète dans leurs œuvres à la fois colorées, fluides et joyeuses. Chacun sa technique, chacun sa sensibilité mais tous apportent leur pierre à un projet commun afin de créer une fresque monumentale. Et le résultat est époustouflant. Composée de différents styles, son harmonie est d’une cohérence incroyable. C’est ce qui fait toute son originalité et sa richesse !

Que la nature soit
Il aime les courbes, il aime le style aérien et sensuel de la calligraphie et surtout il aime la NATURE. De ses amours, il tire son inspiration en imaginant un monde idyllique où la faune et la flore vivent en symbiose dans une architecture urbaine et hostile. Il rêve de faire revenir la nature dans la ville en créant des formes cellulaires, des amibes et autres calligraphies organiques.

Très soucieux de son environnement et en accord avec ses principes, il tend à utiliser des peintures adaptées en privilégiant une peinture acrylique, un peu plus écologique.

Des projets à l’international… et bientôt des projets sur #RBX ?
De retour à Roubaix en 2008, il se consacre à 100% à son art et essaie tant bien que mal d’en vivre. Il a sa propre association et travaille fréquemment avec des structures telles que la SEM ou Vilogia sur des projets d’envergure. Il est de plus en plus sollicité à l’international. Il peint en Europe mais c’est surtout à Roubaix et ses environs qu’il a envie d’intervenir

Grâce à lui, j’ai pu voir une oeuvre prendre forme. Tout le monde ne peut pas se vanter d’avoir pu assister à la naissance de Poséidon! Regarder un artiste bosser est un spectacle unique en son genre. C’est une expérience qu’on devrait tous connaître et il m’est difficile de comprendre comment un artiste roubaisien aussi visible (ce sont tout de même des fresques sur une vingtaine de mètres), aussi talentueux, aussi volontaire, aussi présent sur des quartiers entiers soit aussi peu (re)connu des services officiels de Roubaix.

Ce diaporama nécessite JavaScript.

A l’heure où le StreetArt émerge dans notre ville, par les visites de l’office du tourisme, la braderie de l’art ou l’expo Bibliograff, il faudrait aussi compter avec le talent de benjAMIN… ET j’espère que la nouvelle équipe saura reconnaître les talents de celui-ci et faire évoluer les choses. L’appel est lancé !

Un avant-goût de ses différents projets

THANHnguyen

INFOS
www.benjaminduquenne.com
Tél : (+33) 06 51 09 35 09
Mail : duquennebenjamin@gmail.com
Twitter : actamin
Facebook :www.facebook.com/duquennebenjamin

==============================================================================
CRÉDITS D’AUTEUR
Je n’indique que les œuvres où plusieurs artistes sont intervenus

(1) « Jardin rêvé «  :  benjAMINduquenne, Square Raoul Dufy
Woluwe : Sorka – benjAMINduquenne
Sheffield : Fauna – benjAMINduquenne – Rocket01
Grimmstraße : Threehouse 2012 – benjAMINduquenne
(1) 13 Bd d’Halluin : benjAMINduquenne – Boris
(2) « Jardin rêvé  » : Square Raoul Dufy
(1) Pennel & Flipo : Réa – benjAMINduquenne
(1) Pennel & Flipo : Trev – Smates – benjAMINduquenne / Collectif Propaganza
Soignies : Trev – Smates – benjAMINduquenne / Collectif Propaganza
(2) 13 Bd d’Halluin : Jeps

Pierre Prouvost, le Maire du déclin

Pierre Prouvost

Pierre Prouvost nous a quitté ce 23 juillet 2013 à l’âge de 81 ans.

Celui qui avait été de nombreuses années l’adjoint de l’historique Victor Provo a ensuite été élu Maire de Roubaix en 77 et n’aura exercé qu’un seul mandat, pour être défait en 1983 par André Diligent, autre figure mythique locale. Député du Nord jusqu’en 1986, il s’était ensuite retiré de la vie politique locale.

Figure finalement peu connue et rarement évoquée de la vie politique roubaisienne, au destin interstitiel si l’on peut dire, son décès est aussi l’occasion de rouvrir les pages d’une période sombre de l’histoire locale, à laquelle son mandat est malheureusement associé.

Je précise d’avance que mes commentaires portent bien sûr sur l’action de Pierre Prouvost et les résultats de celles-ci telles qu’elles apparaissent avec 30 ans de recul (et j’ai bien conscience qu’il est facile de distribuer bons et mauvais points a posteriori), et non sur sa personne et ses qualités humaines sur laquelle je n’ai ni information ni intention de porter un quelconque jugement.

Après 35 ans de mandat (!) de son prédécesseur, Pierre Prouvost est élu en 77 sur un profond changement du statu quo politique local : alors que Victor Provo gouvernait la ville sur une alliance socialiste / chrétiens démocrates, Pierre Prouvost se fait élire sur une liste de gauche. Son élection est aussi l’occasion d’un renouvellement et d’un rajeunissement des équipes, comme on peut l’imaginer avec un tel prédécesseur.

Historiquement et économiquement, Roubaix est déjà une ville sinistrée : la crise du textile bat son plein, les chocs pétroliers se succèdent, le chômage explose en France et dans le Nord en particulier, l’urbanisme des années 60 est à bout de souffle et la ville en souffre particulièrement.

Avec le recul, les actions majeures de Pierre Prouvost apparaissent au mieux comme inadaptées ou inefficaces, au pire comme porteuses de nombreux problèmes futurs.

D’un point de vue économique, Roubaix se rêve encore à l’époque un avenir industriel dans une filière textile qu’il s’agirait de soutenir et de relancer. Le discours de François Mitterrand à Roubaix en 83 montre cependant qu’il ne s’agissait pas d’une lubie locale mais bien d’un point de vue partagé. Vouloir soutenir sa filière historique n’est pas en soi forcément négatif; ce qui l’est plus, c’est de ne pas avoir cherché à développer à l’époque des filières d’avenir, on pense aux activités tertiaires et de service (où les activités de vente par correspondance ou de services financiers par les assurances auraient pu permettre un essaimage vertueux), et aux “nouvelles technologies” dont les premières réalisations seront bien postérieures (Eurotéléport a commencé à être projeté dans le début des années 90…).

En attendant, les fermetures d’usines et les faillites se succèdent et le taux de chômage explose; si la situation est légèrement moins sinistre que dans le bassin minier, elle est quand même nettement plus mauvaise que dans le reste de la métropole lilloise. L’évolution de la population est un indicateur qui ne trompe pas : c’est à une véritable fuite qu’on assiste pendant le mandat de Pierre Prouvost (le décollage de Villeneuve d’Ascq n’étant pas neutre non plus…), avec une population qui baisse de 7% en 5 ans et passe durablement sous le seuil des 100 000, qui reste encore aujourd’hui un objectif à atteindre qui apparaît presque comme un horizon indépassable.

D’un point de vue urbanistique, le bilan de la période est lui aussi très contrasté. Roubaix devient une sorte de mythe de la rénovation urbaine en France, avec le projet de l’Alma et ses comités d’habitants qui s’opposaient depuis des années à la municipalité. Si Pierre Prouvost parvient finalement à finaliser ce dossier, force est de reconnaître avec 30 ans de retard l’inadaptation du projet aux enjeux de la ville, à sa population, et aussi la médiocre qualité des constructions qui seront réalisées et qui donnent aujourd’hui un des quartiers les plus problématiques de la ville.

alma

Les quartiers Cul de Four et Gare sont eux aussi concernés par les opérations de ces années, avec peu de réussite.

La perspective urbanistique de la ville reste celle des années 60 et 70, et l’équipe municipale n’a absolument pas intégré l’aspect patrimonial des bâtiments anciens de la ville, qui ne bénéficient d’aucun programme particulier; à tel point que le classement en monument historique de l’Usine Motte Bossut est farouchement combattu par la mairie, ce qui paraît aujourd’hui un vrai contresens.

La grande oeuvre d’urbanisme de la période est, dans une volonté d’ouverture et de désenclavement, la percée de l’avenue des Nations-Unies. Pas sûr que le bilan soit là aussi si positif que cela.

D’un point de vue politique, la ville de Roubaix apparaît comme ayant peu de poids dans la Communauté urbaine récemment créée (ou peu de volonté de participer à l’oeuvre commune ?), et l’exemple le plus frappant en est le tracé de la ligne de métro, projet structurant s’il en est, où il faudra attendre 1999 (!) pour qu’enfin il atteigne Roubaix et son territoire.

Pierre Prouvost Pierre Mauroy

A mi-chemin entre le politique et l’économique, aucun effort particulier ne sera non plus entrepris sous le mandat de Pierre Prouvost concernant l’enseignement supérieur, qui paraît alors naturellement devoir être concentré dans la ville nouvelle de Villeneuve d’Ascq.

Enfin, on peut aussi considérer que cette période sonne la fin de la mixité sociale de Roubaix, pourtant atypique et historique dans la ville. Les populations aisées quittent en priorité la ville, et s’enclenche à cette époque la paupérisation de celle-ci, due à la concentration de populations défavorisées dans certains quartiers, à la part de l’habitat social disproportionnée dans certaines zones, et aux difficultés d’insertion et de reconversion d’une population d’origine immigrée qui se retrouve la première victime des difficultés économiques de la ville. L’insécurité dans certains quartiers (déjà!) devient un des thèmes de la campagne de 1983.

Pour être tout à fait complet, on peut néanmoins mettre au crédit de Pierre Prouvost de réelles innovations en termes de démocratie participative, avec la création des comités de quartier (comme le rappelle Grégory Wanlin dans son post d’hommage); à une époque où ça n’était pas une tarte à la crème des débats politiques, mais une vraie prise en compte des aspirations des habitants.

Comité Quartier Fresnoy

On peut certes remarquer que les difficultés connues lors du projet de l’Alma n’ont sans doute pas été étrangères à cette création, mais l’important est d’avoir lancé un mouvement

Au global, les décisions majeures de Pierre Prouvost portent plutôt la trace d’une fin de cycle d’un socialisme des 30 glorieuses. Les recettes appliquées ont été celles, traditionnelles, qu’on connaissait depuis longtemps; la Ville n’a pas su se saisir des enjeux de son époque; et, à part celle des Comités de Quartier, aucune avancée politique, aucun renouvellement de la vision de la ville n’est à mettre à son actif.

A l’issue de son mandat, Roubaix semble détruite entre chantiers d’urbanisme inachevé et friches industrielles qui se multiplient; les fines plaisanteries abondent sur la proximité sonore entre Roubaix et Beyrouth. Tirant eux-mêmes le bilan de cette mandature, les roubaisiens infligent un camouflet à Pierre Prouvost en élisant dès le 1er tour (à 69 voix près…) le candidat du centre droit, André Diligent, avec 50,19%. Une page est bel est bien tournée dans la ville qui avait pu être surnommée “La Mecque du Socialisme”.

En déplacement officiel à Roubaix le 25 avril 1983 (donc après les élections municipales de la même année et avec André Diligent comme nouveau maire), le Président de la République François Mitterrand lui-même parle de “l’état de détresse…de péril” de la ville, où se cumulent “perte d’emplois, population en déshérence, usines en friche, arrivée massive d’éléments qui cherchent aussi du travail sans en trouver”, et déclare finalement qu’elle est “l’exemple même de ce qu’il ne faut pas faire”. Fermez les bans.

*            *

   *

Ressources, liens, divers :

Une politique publique locale à l’épreuve de l’immigration :
Discours de François Mitterrand le 25 avril 1983
le conflit de l’Alma gare
le 1er comité de quartier Fresnoy Mackellerie
le renouveau urbain à roubaix
les marchés locaux du travail en Nord Pas de Calais en 1983
Roubaix 1977-1983 : promesse tenues, le document de campagne de Pierre Prouvost
les municipales de 83