Chère Fleur Pellerin,
Vous avez été remerciée du Ministère de la Culture lors du dernier remaniement ministériel, fort délicatement, en 6 minutes de conversation, au cours de laquelle le Président de la République vous a expliqué qu’il avait « besoin de quelqu’un pour faire de la politique » dans ce ministère. On n’avait pas remarqué que vous faisiez autre chose…
Néanmoins, c’est ainsi que, adjoint à la Culture de Roubaix, j’en suis à « ma » 3ème ministre de la Culture en pas même 2 ans de mandat. On notera d’ailleurs qu’il semble que ce soit un ministère dévolu aux femmes; sans doute pour caser plus d’hommes dans les ministères régaliens, ou pour éviter la création de trop de Secrétariat d’Etat à l’Egalité Réelle ou l’Aide aux Victimes, toutes choses importantes certes, mais dont on se demande en quoi l’existence d’un maroquin va les aider (et alors qu’il n’y a toujours pas de Ministre de l’Enseignement Supérieur).
Mais je m’égare; et alors qu’on se demande ici ou là ce qu’il faut retenir de votre court passage au MCC, comme on l’appelle entre intimes, je voulais à mon tour vous livrer quelques remarques à ce sujet.
Noter tout d’abord que j’ai particulièrement apprécie votre passé « numérique » avant d’arriver au Ministère de la Culture; que c’était sans doute la première fois qu’une ministre avec une vraie connaissance du sujet avait été nommée; et que devant les nombreux dossiers en lien avec le numérique de ce ministère, c’était un choix plutôt heureux. On s’étonnera a posteriori qu’Audrey Azoulay, votre successeure, n’ai créé son profil Twitter qu’après sa nomination…
Votre tropisme assumé vis à vis des industries créatives, assumé à de nombreuses reprises; ainsi que l’accent que vous avez mis sur l’enseignement artistique, cela aussi était plutôt heureux; car qui ne voit qu’il est fini le temps du Ministère obnubilé par les créateurs stars, par les avis des coteries parisiennes, le mercato des opéras et des théâtres mondiaux ou les enchaînement de cocktails et vernissages…
Il paraît qu’on vous en a beaucoup voulu pour le #ModianoGate, cette prétendue faute d’avoir avoué que vous n’aviez lu aucun livre de nouveau prix Nobel français que vous receviez peu de temps après l’annonce de l’attribution. Dois-je vous avouer que j’avais pour ma part trouvé plutôt réconfortant qu’une Ministre reconnaisse et assume le fait qu’elle n’avait pas ou plus le temps de parfaire sa culture générale et son amour de la littérature, assommée de la lecture de notes et n’ayant sans doute que fort peu de temps libre ? Hélas, cette touche bienvenue de vie réelle n’est pas passée; visiblement les Français – ou les journalistes ? – s’attendent à ce qu’un Ministre de la Culture consacre quelques heures par jour à la lecture. Est-ce vraiment ça qu’on attend de lui ?
Evidemment, d’autres séquences ont été moins réussies dans votre passage rue de Valois, je pense en particulier à la gestion chaotique de la grève à Radio France, ou aux suites de l’affaire « Saal » à l’INA, où l’on aurait aimé des actions plus lisibles et plus tranchées. C’était peut-être cela faire de la politique…
Votre plus belle victoire, c’est sans doute celle dont vous ne profiterez pas; à savoir l’augmentation, sensible et réelle (+2,7%), du budget de la Culture en 2016. C’est en effet 190 M€ supplémentaires par rapport à 2015 que vous étiez allé chercher dans les arbitrages interministériels, dont on peut imaginer qu’ils n’ont pas été faciles.
Mais bon, cela n’aura servi à rien, vous saviez depuis le début qu’être ministre c’est un CDD, et la semaine dernière le CDD s’est arrêté. Avec pas mal du culot, vous ironisez sur Twitter à ce sujet, tout en vous en défendant. On aurait peut être aimé vous voir aussi facétieuse quand vous étiez encore en fonction. mais on vous saura néanmoins gré de réussir à l’être dans ces moments plus difficiles !
J’ai dansé un petit rock sur cette chanson à une soirée hier, je la dédie à mon équipe et à vous tous #maplaylist https://t.co/8lcvr2RbI5
— Fleur Pellerin (@fleurpellerin) 14 Février 2016