Alors qu’on se lamente ici ou là de la mauvaise santé de l’économie du livre et de la disparition progressive des librairies, réjouissons-nous pour une fois qu’à Roubaix, le commerce du livre soit encore bel et bien présent puisque pas moins de 14 librairies sont implantées sur notre ville :
Al Boukhari, 23 rue du Vieil Abreuvoir
Appasionata, 107 bd Gambetta
Autour des Mots, 1 place de la Gare
Bacha Fethi, 111 rue Lannoy
La Boutique du Musée de La Piscine, 23 rue de l’Espérance
Le Cep, 5 avenue Jean-Baptiste Lebas
image yelp.fr
Le Furet du Nord, Espace Grande Rue
France Loisirs, 64 Grande Rue
image yelp.fr
Le Grand Bassin, c/o Le Vestiaire, rue de l’Espérance (le Grand Bassin accueille la librairie coopérative Chez Rita)
Les Lisières, 32 Grand-Place
Occazou (librairie itinérante)
La Plume du Nord, 171 bis Grande Rue
La Presse du Parc, 118 bd du Général de Gaulle
Librairie Safir, 68 rue de l’Epeule
Certes, elles sont d’importance et de taille diverses, la vente de livres n’est pas toujours leur objet commercial principal, mais elles ont le mérite d’exister, avec des modèles économiques et commerciaux assez différents. On passe de la librairie religieuse à la librairie coopérative, d’une maison de la presse à une grande surface, mais tout ce petit monde est bel et bien présent.
La ville de Roubaix a même mis en place un événement spécifique, Signet Roubaix, c’était le 14 février cette année, et près de 20 lieux y ont participé.
On pourrait aussi y ajouter la Médiathèque, et son annexe mobile le « Zèbre ».
Le zèbre
Evidemment, les temps sont durs aussi pour nos libraires, alors mobilisons-nous pour qu’ils restent ouverts et se renforcent encore; la culture c’est aussi d’avoir la possibilité d’aller dans une librairie, de demander conseil, d’échanger avec son libraire, et à Roubaix c’est une réalité !
Oui, Roubaix a les moyens d’affirmer sa place et de devenir une capitale des cultures urbaines en France et en Europe.
Il faut pour cela d’abord que des acteurs locaux existent, soient présents, témoignent d’une activité soutenue, assurent une création, une diffusion, un enseignement dans ce domaine. C’est bien évidemment le cas à Roubaix, qui depuis plus de 35 ans est une des villes françaises les plus fertiles, qui a vu passer tout ce qui a compté et compte dans les cultures urbaines, et qui est aussi un creuset d’où les talents émergent. Le dernier d’entre eux – et non le moindre – c’est bien entendu Gradur, « l’homme au bob », la nouvelle coqueluche du rap français, dont le très attendu 1er album sort justement aujourd’hui…
Gradur, l’homme au bob
Il y faut ensuite une volonté commune et partagée de l’ensemble des partenaires. Des acteurs culturels qui assument cette ambition, des équipements culturels qui jouent le jeu, des acteurs publics qui s’engagent et portent ce projet. Et à Roubaix, ces éléments sont réunis : tous les équipements culturels programment, soutiennent, participent aux cultures urbaines : depuis le seul début de l’année 2015, une “Battle Brams” à la Condition Publique, des ateliers de danse hip hop dans le festival “Les petits pas” du Gymnase, du rap palestinien à la Cave aux Poètes, un Open Mic Human Beat Box au Bar Live…Qui pourrait sérieusement prétendre que les cultures urbaines sont discriminées à Roubaix ?
Quant à la ville de Roubaix, bien évidemment elle accompagne et anime cette effervescence, plus que jamais même. Si parfois le soutien a eu quelques ratés – des baisses de subventions drastiques de certaines associations dans la précédente mandature -, depuis le mois d’avril 2014, le climat a bien changé, il y a même un Conseillère Municipale dédiée à “Roubaix capitale des cultures urbaines”, Virginie Carbon, et la nouveauté majeure de l’année 2015 sera la première édition d’un Festival des Cultures Urbaines, début octobre, qui fédèrera sur un week-end tous les partenaires de la ville. Il est encore en gestation et la programmation est loin d’être arrêtée, mais on peut d’ores et déjà avancer qu’il sera l’occasion de belles rencontres, notamment avec les manifestations de Lille3000 Renaissance, où un lien artistique fort entre Roubaix et Detroit semble une évidence.
Les rappeurs de DAM étaient à la Cave le 18 février 2015
Il faudrait aussi s’interroger sur ce que sont réellement les cultures urbaines; il pourrait y avoir un côté un peu vieux jeu de cantonner les acteurs roubaisiens à ces pratiques culturelles. Nous le disons haut et fort : non, les roubaisiens ne s’intéressent pas qu’à la danse hip hop et au rap; et c’est une des fiertés de la ville de voir l’ensemble des habitants se retrouver au Conservatoire, dans les cours de danse ou dans les salles de concert.
Nous soutenons des cultures urbaines ouvertes, métisses, hybrides, qui ne se cantonnent pas à une old school déjà dépassée mais qui s’interfacent à tous les autres champs culturels aussi divers soient-ils, et en tirent des créations innovantes, étonnantes, inédites. Nous pensons aussi que les cultures urbaines ont, peut-être plus que d’autres, cette caractérisque de dépasser le champ traditionnel de la culture et des 9 Muses , et incluent aussi des pratiques sportives (les sports dits « urbains » comme le Parkour sont joliment à la frontière de l’art et de la culture), artisanales (la mode s’en inspire à l’évidence et ce depuis bien longtemps), économiques, et que tout cela est particulièrement fécond et nouveau.
Sillons, la dernière création de Brahim Bouchelaghem
Des acteurs nombreux et au top niveau, des équipements engagés, une ville présente et à l’initiative, une vision ouverte et d’avenir; oui, vraiment, tous les éléments sont réunis pour Roubaix, capitale des cultures urbaines…
Alors de grâce, évitons toute instrumentalisation politique du sujet, qui ne le mérite pas. Car malgré tout mon intérêt pour les cultures urbaines et mon envie de les faire encore progresser à Roubaix, je n’ai pas non plus la prétention, comme certains acteurs culturels locaux, de penser que cela suffit à apaiser des situations sociales, économiques, personnelles parfois dramatiques, ni de penser qu’il suffirait d’augmenter les subventions de certaines associations culturelles et de financer plus de projets pour que tout aille mieux à Roubaix. C’est aller bien vite en besogne, et c’est aussi oublier de prendre en compte le travail fait par beaucoup d’autres acteurs de terrain. L’action culturelle est bien sûr utile et même nécessaire, mais elle ne peut se concevoir qu’en maillage avec toutes les autres structures.
C’est cette semaine le retour d’Art Up, la foire d’art contemporain de Lille, bien évidemment « la plus importante au Nord de Paris », et que je fréquente depuis plusieurs années avec grand plaisir.
J’apprécie en particulier sa taille raisonnable, la diversité des galeries représentées (françaises et nordistes bien entendu, mais aussi belges, anglaises, allemandes et même cette année japonaises).
J’apprécie aussi la grande diversité des propositions, principalement sous forme de peintures ou de photographie, j’imagine que la vidéo et les installations ne sont pas très prisées des acheteurs; et aussi la – relative – accessibilité des oeuvres. On n’est pas à la FIAC où toutes les oeuvres ont des prix au moins à 4 chiffres, ici c’est plutôt l’inverse et je trouve que ça facilite grandement la relation à l’oeuvre.
Les « Babels » d’Eric de Ville
Bernard Pras bien sûr, inspiré par Vermeer
un « petit » Jonone à 3400 €…
Les « grands classiques » ou grands artistes des galeries se retrouvent bien sûr d’une année sur l’autre, par exemple les superbes trompe l’oeil de Bernard Pras, ou les photographies incroyablement évocatrices de la série « Babel » d’Eric de Ville. Le street art est lui aussi très représenté, avec d’ailleurs parfois un sentiment de répétition ou de manque de souffle assez marquant.
Un petit exemple en images donc de la diversité des oeuvres exposées, un choix totalement subjectif et non thématique, de ce qui m’a attiré l’oeil…
Floating cubes de Rose Vickers, sans doute mon oeuvre préférée de l’expo. Cube Gallery
La vie est comme une papaye, Delphine Boel
Lines of travel 24 (détail), Suh Jeong-Min
les extraordinaires collages de cartes routières de Joao Machado, ici Blue Queen (Galerie Rauchfeld)
Eh oui, Speedy Graphito est toujours là !
les « Invasions » de Charles Pétillon, au stand Maison de la photographie
beaucoup de matière à ce « Jamel Shabazz » de Tavu…(Galerie Adrien Serien)
les magnifiques portraits larger than life d’Etienne Cail… (ici Family III, à la TwentyTwo Gallery)
Jo Kamata
les portraits sensible d’Edo Kaaij, (Silver, Galerie Down to art)
Angel Wings, Mel Fraser, en marbre de Carrare…
Natacha Mercier
et juste pour le fun, quelques courtes vidéos tournées sur place :
ou encore :
et aussi :
et pour finir ce superbe « Anonymous », déjà remarqué l’an dernier…
Alors on se retrouve à Art Up en février 2016 ? J’y serai en tout cas !
Les chiffres définitifs donnent presque le tournis – et c’est plutôt indiqué dans une exposition dont un des clous était un mur complet de « valses » : plus de 106 000 visiteurs se sont rendus à l’exposition du Musée La Piscine « Camille Claudel, au miroir d’un art nouveau », entre le 8 novembre et le 8 février. Et d’ailleurs, sans chauvinisme roubaisien (ou si peu…), je remarque que la (très belle) exposition Sésostris III du Palais des Beaux Arts de Lille annonce elle 105600 visiteurs sur une durée de 3 mois et demi…
Pour vous donner un ordre de grandeur, cette fréquentation de Camille Claudel, c’est presque au niveau du record du musée depuis son ouverture (Picasso avait fait un chouïa plus en 2004…), et ça veut dire qu’il y a eu des journées à plus de 3000 visiteurs.
Persée et Gorgone
Donc d’abord merci à tous ces visiteurs qui ont patienté au contrôle (Vigipirate oblige), puis parfois longuement dans le hall du musée en attendant de pouvoir entrer dans la salle d’exposition temporaire tout en respectant la jauge de sécurité. J’espère – et à vrai dire je suis persuadé – qu’ils auront pensé que le jeu en valait la chandelle, et que la parcours parmi les oeuvres de Claudel justifiait amplement les quelques inconvénients des périodes les plus chargées…
S’il fallait d’ailleurs une seule bonne raison pour laquelle l’agrandissement du musée est indispensable, la saturation qu’a connue cette salle pendant les jours les plus chargés suffirait…
détail de L’âge mûr
S’il fallait aussi une seule bonne raison de croire dans le potentiel de notre ville, le succès de cette exposition y suffirait aussi. Combien de fois ai-je entendu pendant ces 3 mois « j’ai de la famille qui vient de loin, ils ont entendu parler de l’expo Camille Claudel et ils voudraient absolument la visiter ». Douce musique à mes oreilles d’adjoint à la culture 😉 et surtout démenti implacable aux Cassandre qui veulent croire que la réputation de Roubaix est un handicap insurmontable. Quand Roubaix fait une proposition qui dénote, on accourt de la France entière et même au delà. Trouvons d’autres occasions de le faire, pas juste des expositions de sculpture…
Les « Valses »
Un grand merci aussi, on ne le souligne pas assez, au scénographe de l’exposition, Cédric Guerlus pour Going Design. C’est merveille d’avoir réussi à la fois à mettre en valeur et même à magnifier les oeuvres présentées, mais aussi d’assurer une réelle fluidité de circulation et une bonne visibilité des oeuvres mêmes dans les moments de foule les plus importants.
Cette exposition n’aurait pas été possible sans les généreux prêts de nombreux musées et particuliers en France et dans le monde; et plus spécialement du futur musée Camille Claudel de Nogent sur Seine, qui ouvrira au 2ème semestre 2015, au musée Rodin bien sûr, et au musée Ste Croix de Poitiers, entre autres. La confiance qu’ils ont témoigné à La Piscine en lui prêtant leurs chefs d’oeuvres montrent qu’ils étaient sûrs que leurs collections seraient mises en valeur et admirées par un public nombreux, comme ils ont eu raison !
Signé Camille…
Mais tout cela n’a tenu que grâce à la formidable équipe du musée. Depuis 15 ans, la Piscine est un peu plus qu’un musée, c’est sur un projet de musée solidaire qu’il s’est bâti, et cette solidarité s’est à nouveau exprimée pendant ces 3 mois, les personnels ont été au rendez-vous d’un planning chargé, d’événements incessants – dont un superbe bal de clôture – , d’une fréquentation monstre, des inévitables péripéties (la fuite d’eau sur le toit…); et malgré tout les gardiens, les personnels d’accueil, les administratifs et bien sûr les équipes de conservation, le tout dirigé par Bruno Gaudichon, ont tout fait pour permettre à un maximum de visiteurs d’apprécier l’exposition. C’est sans doute la plus belle façon de nous prouver que ce musée vit, qu’il mérite sa réputation, et qu’il doit continuer à se développer pour porter encore plus haut le flambeau de Roubaix. Nous comptons sur nos partenaires régionaux, départementaux et métropolitains pour nous y aider…
C’était samedi 24 janvier dernier la soirée d’ouverture de Mons2015, capitale européenne de la culture, et je n’ai pas résisté à l’envie d’aller voir ce que nos voisins belges avaient concocté…
Crazy House, by Thanh
Pas de parade d’ouverture à la Lille 2004, il paraît que les rues du centre ville étaient trop étroites pour ça, mais plutôt la proposition d’une libre déambulation d’un point à l’autre de la ville, où des installations, spectacles ou concerts étaient proposés ça et là. Gros succès de cette déambulation, on attendait 100000 personnes, j’aurais bien du mal à dire s’ils étaient bien là malgré le froid de janvier, mais en tout cas la ville avait une ambiance festive qui faisait plaisir à voir.
Toute préférence locale mise à part, je dois avouer que l’endroit qui m’a largement paru plus pertinent que les autres, c’est la Maison Folie qu’occupent Fanny Bouyagui et les roubaisiens de Art Point M (oui, ceux qui font aussi la Braderie de l’Art…), judicieusement rebaptisée « Crazy House ». A l’intérieur du bâtiment, on suit un circuit digne d’un parc d’attraction, où à chaque station une installation, une animation ou une performance nous est proposée. Et quelles performances !
Mimi the clown orne la façade de la Crazy House
On démarre par découvrir la décoration du bâtiment, revue par Mimi The Clown, un habitué de la scène lilloise, dont les visages de clowns inquiétants trouvent ici une force et une dimension assez surprenante. Une gigantesque installation de figurines en céramique est le premier point fort en intérieur, autour de laquelle on peut noter sur une petit morceau de carton un voeu, qui sera accroché quelques minutes après sur un arbre à voeux multicolore, qui porte rapidement des centaines de petits cartons rouges qui volent au vent. Superbe image.
Sans décrire l’intégralité de ce que Art Point M avait concocté, on notera un tatoueur qui officie en live sur une jeune fille en lui tatouant le « slogan » de la soirée, « We see things as we are ». Une pièce très intrigante, sur le thème de Peau d’Âne, voit le film culte de Demy diffusé sur un écran, tandis que dans la pièce, recouverte de végétation sur les murs et le plafond, une princesse argentée se morfont sur un lit à baldaquin. Calme, méditatif et troublant.
Mandala
Olivier Dubois
Peau d’Ane
Dans la Crazy House de Art Point M à Mons2015…
Et juste après, à l’opposé exact, le clou de la visite, une pièce violemment éclairée en vert, saturée de fumigène, où une techno assourdissante est diffusée, et au milieu de la pièce Olivier Dubois, habillé en ballerine, le corps recouvert de strass, entre danse et transe, tour à tour éruptif, agressif, charmeur, ironique, chaloupé, rythmé, effondré, et prêt à recommencer. Magistral.
Quelques jours plus tard, au même endroit, Art Point M organisait un « opéra culinaire« . De quoi s’agissait-il ? D’une confrontation loufoque et délicieuse entre une cantatrice, un performer et artiste de cabaret londonien, Jonny Woo, et d’un repas concocté par les jeunes chefs lillois du collectif « Mange-Lille« . Le tout fonctionnait admirablement bien, les papilles, les oreilles et les yeux se régalaient, avec un clin d’oeil particulier pour la reprise foutraque de Get Lucky par Jonny Woo, un vrai plaisir.
Une mention particulière pour le plat principal, concocté par Steven Ramon, qui évoquait fort judicieusement le drapeau belge :
A l’envers, à l’endroit; le plat de Steven Ramon
Enfin, samedi soir, un « Remix » des créations de mode était proposé sous forme d’un défilé; bien sûr un peu décalé. Tenues poétiques, politiques, masques, messages, l’ensemble était varié et riche; et pour finir une très impressionnante tenue-drapeau qui a fait forte impression.
La semaine de résidence d’Art Point M, qui représentait « Lille », s’achève en beauté; à venir bientôt 4 jours consacrés à Londres, avant Casablanca, Tokio et plein d’autres encore. Bravo à Art Point M pour ce lancement en beauté, et à bientôt à Mons !