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Chroniques du bureau 112 #6 : Européennes 2019

Je préside maintenant ce bureau de vote depuis bientôt 4 ans et pour le 6ème scrutin, et ce fut un plaisir ce dimanche de retrouver les électeurs, les assesseurs et les secrétaires de la mairie, comme une conversation interrompue qu’on reprend avec gourmandise, les enfants qu’on voit grandir, les mêmes électeurs présents un quart d’heure avant l’ouverture (et peut-être aussi les mêmes électeurs se présentant après la fermeture et s’étonnant une nouvelle fois que le bureau ferme à 18h…).

Quoi de neuf pour cet unique scrutin de 2019 ? Un objet d’abord : la trottinette ! C’est incontestablement le nouveau moyen de locomotion, et c’est avec une certaine surprise que j’ai constaté à quel point il était utilisé pour venir voter, seul, ou en famille; avec ou sans casque, aucun doute : la trottinette est entrée dans les mœurs roubaisiennes !

C’est aussi l’émotion, toujours renouvelée, des électeurs qui viennent voter pour la première fois et qui nous le disent avec appréhension et fierté à la fois. Ainsi, cette jeune femme d’une trentaine d’années, qui nous dit qu’en venant pour son premier vote, elle se sent « vraiment accueillie dans la nationalité française » et nous fait un grand sourire. Je dois avouer que le président du bureau a eu la chair de poule…

La cérémonie d’accueil dans citoyenneté française en mairie de Roubaix en 2018. Photo Nord-Eclair

Le bureau 112, c’est aussi Roubaix comme on l’aime, avec sa gouaille, sa diversité, sa bonne humeur, et l’on repense avec amusement à Malika et Yvonne, deux voisines déjà un peu âgées et avec quelques difficultés de déplacement, qui ironisent et se lancent des vannes sur celle qui mettra le plus de temps pour rentrer chez elle.

La diversité, c’est aussi ce très jeune électeur, d’à peine 18 ans, qui vient voter avec son père, un look gothique qu’on croyait passé de mode, et un vernis à ongles vert. Affirmer son identité, sa différence, envers et contre tout, c’est ça aussi Roubaix.

Photo Madmoizelle.com extraite du compte Instagram boysinpolish

Enfin, ce scrutin européen au bureau 112, c’est aussi 3 tables complètes de bulletins de vote, pour présenter les 34 listes, et un côté bingo un peu absurde lors du dépouillement, du genre « Jadot, numéro 20, 1 vote »…

Les Européennes à Roubaix, un rendez-vous manqué

Le jour du vote est venu, comme prévu la participation est dans la fourchette basse, à l’image d’une campagne quasiment inexistante dans la ville. On ne peut pas dire que ce scrutin pour le Parlement Européen ait passionné les foules, mais à vrai dire ce n’est pas très étonnant à Roubaix où la participation aux Municipales est elle-même particulièrement faible. Et comme prévu aussi, le Front National fait un bon score, et arrive en tête de ces élections. Elles lui sont certes traditionnellement très favorables, mais force est de reconnaître qu’il a particulièrement bien tiré son épingle du jeu. Ce n’est pas l’objet de cet article à vrai dire.

Campagne de la municipalité. Image RTL

Campagne de la municipalité. Image RTL

Qu’a-t-on vu pendant la campagne ici ? Un débat, méritant, au théâtre Pierre de Roubaix, organisé par le MJS, et qui a sans doute été le point d’orgue de l’activité politique locale. Quelques rencontres comme celle de Nouvelle Donne au restaurant Baraka. Une animation place de la Liberté, avec la présence d’associations engagées pour l’Europe. Un peu de tractage dans les boîtes aux lettres, par exemple de l’UDI, mais dont en général la timidité étonnait après la débauche de documents des municipales. On est vraiment sur une autre planète politique. Les forces politiques présentes dans la ville, au delà des initiatives mentionnées, n’ont pas été très actives dans la campagne, c’est un euphémisme. On m’objectera que les uns (dont je fais partie) étaient débordés par le démarrage de leur action municipale, et les autres par l’absorption de leur défaite ; toujours est-il que le sujet a quasiment été absent des radars.

Dans une ville où l’intérêt même du vote aux municipales ne semble pas du tout évident à une large proportion de l’électorat, l’idée même d’expliquer le rôle des députés européens aux roubaisiens et l’importance du vote semble avoir découragé la plupart des candidats. Plus qu’ailleurs, je ne saurais le dire, mais j’en prends comme témoignage l’absence quasi totale d’affichage politique sur les panneaux d’expression libre de la ville. Les habituelles campagne de sensibilisation ont eu lieu, peut-être là aussi avec une ardeur moindre qu’à l’habitude…

Campagne Blog2Roubaix

Campagne Blog2Roubaix

De plus, le manque – traditionnel – de lisibilité du scrutin a été amplifié à mon sens par 2 facteurs. Le vote géographique sur des zones totalement artificielles, la circonscription Nord Ouest, n’a absolument pas produit les effets de rapprochement des électeurs avec des têtes de liste connues. Qui connaissait vraiment, au delà des aficionados de la politique, les noms de Gilles Pargneaux, Jérôme Lavrilleux ou Karima Delli ? Au moins, l’échelon national permettait d’avoir des vrais têtes d’affiche identifiées.

D’autre part, la multiplication ridicule des listes – 22 ici – donne une impression de confusion et de manque de sérieux de l’élection ; jusqu’aux listes qui ne fournissent aucun bulletin, ce qui visiblement choque beaucoup  les électeurs, peut-on les en blâmer ? Quant à l’intérêt de voter pour une liste espérantiste, décroissante, pirate, ou mystérieusement « populaire et républicaine », je laisse à chacun l’intérêt d’en juger. Un vice-président du Conseil Général me faisait remarquer que pour des électeurs peu familiarisés avec le vote, la situation était quasiment incompréhensible ; et j’ai moi-même entendu aujourd’hui plus d’un électeur s’exclamer « quoi ? tout ça ? comment on doit faire ? » en voyant le long alignement des piles de bulletin.

Bureau 470 à Roubaix

Bureau 470 à Roubaix

Et pourtant, l’Europe a beaucoup fait et continue à faire pour Roubaix. Dans l’ensemble du Nord-Pas de Calais, c’est près de 840 millions d’euros qui seront investis par le FEDER par exemple sur la période 2014-2020, sans compter le Fond Social Européen (FSE), et les nombreux autres organismes de l’Union Européenne que je ne connais pas. Ces fonds sont spécifiquement ciblés et surdotent les zones défavorisées dont Roubaix fait explicitement partie, et doivent servir à financer des actions relatives au développement de l’usage du numérique, à la sensibilisation des habitants à la création et à la reprise d’entreprises, à l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments, à la connection aux zones d’activité économique et commerciale, à la requalification du patrimoine remarquable, et au renouvellement urbain. Autant dire que sur l’intégralité de ces sujets, Roubaix peut prétendre – et entend bien présenter des projets pour bénéficier des financements de l’Union Européenne.

A ce titre, c’est donc bien un rendez-vous  manqué que ces élections européennes pour Roubaix, mais à vrai dire c’est sans doute le cas pour le reste de la France aussi.