A tous ceux qui s’intéressent un tant soit peu à la vie culturelle en France et à l’évolution des politiques culturelles, le long article que Frédéric Martel vient de publier sur le site de France Culture sur la politique culturelle de la ville de Grenoble, qui fait suite à un numéro de son émission Soft Power, et surtout à une longue enquête fouillée sur place, est chaudement recommandé.
Pourquoi Grenoble ? Parce que, suite à son élection surprise en 2014, l’écolo Eric Piolle avait affiché une vaste ambition de refondation de la politique culturelle de la ville, et assumait une volonté de se libérer des modèles classiques à la fois ambitieuse et intrigante. Où en est Grenoble 7 ans après ? La lecture de l’enquête de Frédéric Martel permettra à chacun de se faire un point de vue; et même si celui de l’auteur est assez clair, il est à remarquer qu’il laisse tous les points de vue s’exprimer de manière assez longue, et qu’il ne tire pas de conclusions définitives ou hâtives.

On remarquera déjà que les questions de gouvernance, de direction, d’organisation sont très présentes; ce qui correspond tout à fait à mon expérience en la matière, mais échappe souvent à ceux qui ne sont pas proches du sujet. Oui, le monde culturel est mouvant et complexe; sa gouvernance oblige souvent à associer de nombreux partenaires; les décisions exigent un consensus pas toujours évident à trouver. L’article rappelle bien que le solo d’une ville dans ce contexte peut très facilement avoir des effets pervers ou négatifs, ce qui n’a pas manqué de se produire à Grenoble.

On constate aussi que, loin d’être des outils fumeux ou des figures de style un peu superflues, les projets culturels des villes, des structures, des équipements, sont des outils majeurs pour orienter les actions, les décisions, et associer les partenaires pour leur réalisation. Des projets flous, changeants; ou des décisions non cohérentes ou arbitraires, laissent immanquablement des traces et peuvent paralyser durablement des équipements même en plein succès.

Ce qui m’a surtout frappé, c’est à quel point les sujets de tension, de discussion, de débat, peuvent se retrouver dans ce qui anime et agite la vie culturelle métropolitaine et roubaisienne, avec bien sûr des situations très différentes, mais des enjeux bien communs. On remarquera par exemple les passages sur la place du street art, sur l’importance des bibliothèques, sur la création d’une parade (la Fête des Tuiles) pour essayer d’associer les habitants, sur la manière de rapprocher un musée des artistes et de la création locale, sur les débats et les points de vue parfois divergents entre une ville et la métropole, sur la manière d’associer un centre chorégraphique – ou un orchestre baroque – avec les habitants d’une ville, sur la confiance faite aux acteurs culturels ou la volonté de la ville de reprendre un main certains sujets.

Et on s’accordera sur le paragraphe de conclusion de Frédéric Martel, qui rappelle à juste titre que « la valorisation des initiatives locales, la prise en compte de la pluralité des cultures, l’élargissement de l’accès, l’éducation artistique et le nécessaire renouvellement générationnel sont autant de pistes à remettre sur le chantier sans dogmatisme ».