Archives mensuelles : juillet 2015

Au revoir et merci Têtu

J’ai acheté pour la 1ère fois Têtu il y a 20 ans, à la Gare de Strasbourg, le numéro 1, et je m’en souviens comme si c’était hier. Sous ce beau titre de « Sortez », presque un manifeste, Têtu nous parlait aussi de week-end à Lisbonne ou des femmes du Sud-Ouest, de Boy George et de Greg Louganis, un bel éclectisme.

la couverture de Têtu 1

la couverture de Têtu 1

Pour la première fois, je pouvais acheter un journal qui me ressemblait, qui parlait de la vie gay sans ambages mais avec drôlerie et élégance. Avec de vrais articles de fonds à la fois profondément politiques et militants mais aussi pédagogiques, presque de l’éducation populaire; avec des chroniques musique, ciné ou télé à la fois pointues, très informées et d’une fantaisie sans pareille.

Sans aucun doute, dans ma formation personnelle et intellectuelle, les articles des 5 premières années ont compté pour beaucoup; et d’ailleurs je me suis illico ou presque abonné à Têtu et ce jusqu’au début des années 2000.

Il faut bien reconnaître qu’à ce moment là, le journal a commencé à moins me correspondre. Trop de crèmes solaires comme dirait Didier Lestrade, trop de pages modes qui ne m’intéressaient en rien, trop d’air du temps et pas assez de fond, trop de Mylène Farmer, trop de cover boys body buildés qui n’avaient rien à dire. Je me suis mis à le lire en diagonale, puis à ne plus le lire du tout, puis à me désabonner.

Le 1er et le dernier

Le 1er et le dernier

J’ai essayé de m’y remettre brièvement au début des années 10, mais il fallait bien admettre que le monde avait changé, que j’avais changé, et que ce Têtu me correspondait moins. Trop branché sur la vie parisienne, trop axé sur la mode, les sorties, la consommation, cette fois-ci la rupture était définitive. L’actualité LGBT était autrement traitée sur le net; et avec une profusion d’angles différents, une réactivité, une variété de ton qui me correspondait plus.

Aujourd’hui donc l’histoire s’arrête et Têtu a été mis en liquidation judiciaire. C’est toujours triste de voir un titre de presse mettre la clé sous la porte, et il serait bien indécent de s’en réjouir ou de trouver ça normal.

Je ne peux néanmoins m’empêcher de dire à Têtu merci. Merci pour ces moments, merci pour ces lectures, merci pour les sourires, merci pour les idées. Je suis persuadé que pour des milliers d’autres tu as eu le même impact et rien que pour ça tu resteras cher à mon coeur.

 

Les 10 couvertures qui ont marqué l’histoire de Têtu

L’art intime, délicat…et injustement oublié de Mazerolle à La Piscine

photo mazerolle

Alexis-Joseph Mazerolle 1826-1889

Intime et délicat, ces 2 mots décrivent simplement mais fidèlement mon ressenti à la visite de l’exposition « Mazerolle, itinéraire d’un grand décorateur », qui vient d’ouvrir à La Piscine.

Cette exposition, l’avant-dernière avant le début des travaux d’agrandissement soit dit en passant, met pour la première fois en lumière le travail d’un illustre inconnu : Alexis-Joseph Mazerolle. Ce décorateur très actif durant la Monarchie de Juillet et le Second Empire a exécuté de nombreuses commandes privées pour des hôtels particuliers, des salons de réceptions, tout en honorant des commandes publiques de très grand prestige comme un plafond de la Comédie Française (un de ses chefs-d’œuvre !).

 

Malheureusement, s’il fut un réel grand nom de la peinture à son époque, il a sombré dans l’oubli pour plusieurs raisons : son style classique, très académique, a été balayé par les très nombreux courants picturaux et artistiques de la fin du XIX siècle et par tout le XXème siècle. Ses œuvres mythologiques et figuratives furent complètement oubliées, une telle proposition artistique fut au mieux moquée, au pire violemment critiquée.

L’autre grand drame que connurent les tableaux de Mazerolle vient de leur état, la plupart sont dans les mains de collectionneurs privés et tiennent plus d’œuvres décoratives que de tableaux, de ce fait, elles ont disparu, en même temps que la décoration de la pièce dans laquelle elles se trouvaient.

Alice Masse, conservatrice adjointe nous expliquant l'exposition

Alice Masse, conservatrice adjointe nous expliquant l’exposition

Enfin, dernier regret, sa « France couronnant Molière, Racine et Corneille » disparut lors de l’incendie de la Comédie-Française en 1900.

Heureusement, aujourd’hui Alexis-Joseph Mazerolle sort de l’oubli grâce à l’Association des Amis du peintre Alexis-Joseph Mazerolle et de Marie-France Lavalade qui a effectué sa thèse de l’École du Louvre autour de l’œuvre du peintre décorateur.

Cette dernière signe d’ailleurs le commissariat de l’exposition avec Alice Massé, conservatrice adjointe à La Piscine.

Mais ce qui fait d’ores et déjà la réussite de cette exposition nous vient de la précieuse aide des descendants du peintre. Ils ont travaillé pendant des années en très étroite collaboration avec Bruno Gaudichon, conservateur en chef de La Piscine, pour offrir le meilleur panorama de leur aïeul. Ils sont également très généreux, offrant 27 dessins du maître et permettant à La Piscine de devenir le musée ayant le plus grand fond de dessins de Mazerolle en France, merci encore à eux !

Nicolas Harvé, arrière-petit-fils du peintre célébrant le travail réalisé par les équipes de La Piscine

Nicolas Herbet, arrière-petit-fils du peintre célébrant le travail réalisé par les équipes de La Piscine

Car c’est aussi une des vocations de notre musée que de révéler ou de faire redécouvrir des artistes parfois injustement oubliés. Le fond du musée, éclectique et assez riche dans un style et une période bien identifiés, nous permet d’être souvent à l’origine de telles opérations; et c’est tout le talent de Bruno Gaudichon et de ses équipes de faire réapparaître des oeuvres longtemps négligées…

 

Pour finir cet article, et revenir au vif du sujet, voici les coups de cœur que j’ai eus durant ma visite avec Alice Massé, je vous laisse le soin de découvrir le reste de l’exposition, par vous-même, bien entendu 😉

 

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