J’ai acheté pour la 1ère fois Têtu il y a 20 ans, à la Gare de Strasbourg, le numéro 1, et je m’en souviens comme si c’était hier. Sous ce beau titre de « Sortez », presque un manifeste, Têtu nous parlait aussi de week-end à Lisbonne ou des femmes du Sud-Ouest, de Boy George et de Greg Louganis, un bel éclectisme.
Pour la première fois, je pouvais acheter un journal qui me ressemblait, qui parlait de la vie gay sans ambages mais avec drôlerie et élégance. Avec de vrais articles de fonds à la fois profondément politiques et militants mais aussi pédagogiques, presque de l’éducation populaire; avec des chroniques musique, ciné ou télé à la fois pointues, très informées et d’une fantaisie sans pareille.
Sans aucun doute, dans ma formation personnelle et intellectuelle, les articles des 5 premières années ont compté pour beaucoup; et d’ailleurs je me suis illico ou presque abonné à Têtu et ce jusqu’au début des années 2000.
Il faut bien reconnaître qu’à ce moment là, le journal a commencé à moins me correspondre. Trop de crèmes solaires comme dirait Didier Lestrade, trop de pages modes qui ne m’intéressaient en rien, trop d’air du temps et pas assez de fond, trop de Mylène Farmer, trop de cover boys body buildés qui n’avaient rien à dire. Je me suis mis à le lire en diagonale, puis à ne plus le lire du tout, puis à me désabonner.
J’ai essayé de m’y remettre brièvement au début des années 10, mais il fallait bien admettre que le monde avait changé, que j’avais changé, et que ce Têtu me correspondait moins. Trop branché sur la vie parisienne, trop axé sur la mode, les sorties, la consommation, cette fois-ci la rupture était définitive. L’actualité LGBT était autrement traitée sur le net; et avec une profusion d’angles différents, une réactivité, une variété de ton qui me correspondait plus.
Aujourd’hui donc l’histoire s’arrête et Têtu a été mis en liquidation judiciaire. C’est toujours triste de voir un titre de presse mettre la clé sous la porte, et il serait bien indécent de s’en réjouir ou de trouver ça normal.
Je ne peux néanmoins m’empêcher de dire à Têtu merci. Merci pour ces moments, merci pour ces lectures, merci pour les sourires, merci pour les idées. Je suis persuadé que pour des milliers d’autres tu as eu le même impact et rien que pour ça tu resteras cher à mon coeur.