Archives mensuelles : janvier 2015

Messe en si mineur de Bach : un monument

C’est par un dimanche après midi froid, gris et pluvieux qu’on peut remercier Jean-Claude Malgoire d’avoir programmé à Tourcoing la brillante et rutilante Messe en si mineur de Bach, disons-le franchement, un monument de la musique occidentale.

Le visuel du programme de l'Atelier Lyrique de Tourcoing

Le visuel du programme de l’Atelier Lyrique de Tourcoing

Ce fut un franc succès, déjà parce que les 2 heures de représentations passent toutes seules, l’absence d’entracte se fait à peine remarquer, on est plongé dans ces morceaux superbes et si variés qui font le sel de cette Messe. Je ne me lancerai pas dans une analyse de l’oeuvre, tant d’autres l’ont déjà fait et bien mieux que je ne le ferai; je me contenterai de citer le texte de l’Atelier Lyrique de Tourcoing : « elle incarne la somme du style baroque à son apogée, mais aussi de la polyphonie façon Machaut ou encore des modes et teneurs antiques ».

Il maestro, Jean-Claude Malgoire

Il maestro, Jean-Claude Malgoire

Le Choeur Régional Nord Pas de Calais d’Eric Deltour fait beaucoup pour le succès de cette messe, et les moments les plus polyphoniques sont vraiment resplendissants. Ultime coquetterie, le changement de disposition des chanteurs 2 morceaux avant la fin, pour avoir un final grandiose. Réussi.

La Grande Ecurie et la Chambre du Roy sont comme d’habitude au rendez-vous; au début de la représentation je trouvais leur format réduit un peu dérangeant et disproportionné par rapport au choeur, mais finalement l’équilibre se fait et on se prend à apprécier le délicat travail des cuivres et des bois en particulier.

Une page de l'oeuvre, le début de Et resurrexit.

Une page de l’oeuvre, le début de Et resurrexit.

Les solistes étaient bien entendu impeccables, en particulier le ténor Robert Getchell, au timbre de voix très agréable, et le contre-ténor Jean-Michel Fumas, au phrasé particulièrement travaillé et convaincant.

L’Atelier Lyrique de Tourcoing a bien été à la hauteur du monument…

Danbé, une expérience de théâtre sophistiquée et émouvante

Olivia Kryger et un spectateur sous casque

Olivia Kryger et un spectateur sous casque

D’abord il y a le dispositif, les coussins et les casques disposés dans toute la salle, pas de scène, 2 pôles d’instruments de musique, on comprend qu’on ne va pas assister à une représentation « classique ». Et en effet, ce n’est pas du tout la même chose de suivre un spectacle allongé sur un coussin avec un casque sur les oreilles qu’assis en rang d’oignon devant une scène, on se concentre vraiment sur l’histoire, on est beaucoup plus sensibles à la musique.

Après il y a l’histoire, celle d’Aya Cissoko, son parcours presque trop romanesque pour être crédible, entre la disparition tragique d’une partie de sa famille jusqu’à son parcours sportif d’excellence. Et il y a aussi la langue, celle de Cissoko bien sûr, mais aussi celle de Marie Desplechin qui a recueilli son histoire, une belle langue, à la fois claire, accessible, parfois poétique, parfois tranchante…

Les musiciens jouent en live

Les musiciens jouent en live

Il y a aussi bien sûr l’actrice, la narratrice, qui emporte vraiment le morceau. Arriver à retranscrire avec émotion mais sans pathos le parcours d’Aya; arriver à nous embarquer sur un texte solo pendant 1h30, jouer sur tous les registres de la voix, les artifices du micro, c’est vraiment une magnifique prestation que celle d’Olivier Kryger, qui a aussi adapté pour le théâtre le livre de Desplechin et Cissoko.

Enfin, il y a aussi la musique, jouée en direct par les auteurs, Pierre Badaroux et Laurent Sellier, qui n’est pas que musique d’ailleurs puisque les 2 musiciens prennent part entière au spectacle, avec des récitatifs, des moments où l’action passe par la musique; ce qui pourrait n’être qu’un gadget devient une vraie valeur ajoutée au spectacle,  bien sûr grâce aux casques, mais aussi grâce à l’interaction permanente entre le texte et la musique.

photo Voix du Nord

photo Voix du Nord

Bravo à tous donc pour ce vrai moment de théâtre, d’émotion, de découverte, très accessible et sophistiqué à la fois.

Voir aussi le beau compte-rendu de Christian Vincent dans La Voix du Nord
et la fiche du spectacle sur le site du Théâtre du Nord, encore ce soir et demain dans la salle de l’Idéal à Tourcoing…

#JeSuisCharlie : Roubaix à la hauteur

Oui, Roubaix a vraiment été à la hauteur ces derniers jours. Souvenez-vous encore, c’était il y a une semaine, il y a un siècle, il y a une éternité. Nous rentrions de vacances, François Hollande venait de faire une intervention sans relief à la matinale de France Inter, on s’apprêtait à rentrer dans le cycle ronronnant des voeux; bref la vie normale quoi.

Mais depuis tout a changé. Les événements dramatiques de mercredi à vendredi dernier ont secoué toute la France, y compris notre petit coin du Roubaisis.

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Alors oui, Roubaix a été à la hauteur, d’abord par ce rassemblement de jeudi soir dernier sur la Grand Place, à l’appel de son maire, où les roubaisiens sont venus témoigner spontanément de leur solidarité avec les victimes et de leur volonté de faire face ensemble. Certains polémiquent sur le nombre de personnes et sur les roubaisiens présents; pour ma part j’ai vu plusieurs centaines de personnes, les photos en témoignent, et j’ai vu tout Roubaix rassemblée et représentée. Ce rassemblement m’a vraiment fait chaud au coeur, je suis resté près de 2 heures sur le parvis à discuter avec les uns et les autres, on sentait une vraie envie de faire face ensemble.

Roubaix a aussi été à la hauteur de par les réactions spontanées de ses acteurs, je n’en prendrais pour exemple que la façade du Colisée, qui au lieu d’annoncer le prochain spectacle, s’est pendant quelques jours transformée en un gigantesque « Je suis Charlie » qui a été plébiscité.

 

La façade du Colisée de Roubaix le jeudi 8 janvier 2015
La façade du Colisée de Roubaix le jeudi 8 janvier 2015

 

Cependant, je ne ferai aucun angélisme. Certains ne se sont pas vraiment sentis Charlie, d’autres ont fait part de leur scepticisme devant cette mobilisation, sur les réseaux sociaux d’autres ont cru bon de remarquer que les dessinateurs de Charlie l’avaient « bien cherché », et une inscription, plus stupide qu’autre chose, offensait gravement les victimes et a été promptement recouverte.

Un tag nauséabond rapidement recouvert bld Beaurepaire (photo Nord Eclair)

Un tag nauséabond rapidement recouvert bld Beaurepaire (photo Nord Eclair)

On peut le déplorer et se draper dans sa dignité républicaine. Mais ici, peut-être plus qu’ailleurs, cette mobilisation nous interpelle sur le sens qu’on doit lui donner, ainsi que sur la manière de la relier avec la réalité roubaisienne, et les sujets sont nombreux sur lesquels nous, acteurs locaux, devront sans doute nous pencher dans la période qui s’ouvre. Parmi les questions qu’il nous faudra nous poser collectivement à nous-mêmes :

. notre système éducatif est-il à la hauteur concernant les notions de liberté d’expression, de laïcité mais aussi du fait religieux ?

. comment faire pour que l’ensemble des roubaisiens se sentent partie prenante et membres à part entière de la République, celle qui se serre les coudes et applaudit les policiers qui la protègent ?

Je n’ignore pas qu’on attend Roubaix au tournant sur ces sujets aussi. Certains présentent déjà notre ville comme celle où les islamistes ont pris le pouvoir, nous devons montrer à tous que c’est faux, et peut-être par là même montrer que nous sommes la ville qui sait vivre avec l’ensemble de sa population, ses religions, ses origines, et se retrouver autour de ce qui fait notre socle commun : la République.